Témoignages

Ces témoignages sont extraits du livre Femmes, écrit en 2008 lors d’un atelier d’écriture proposé à des femmes accompagnées par Solidarité Femmes Belfort.

Le livre est toujours en vente à l'association (10€) et nous pouvons vous le faire parvenir par courrier : Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.

 


Des enregistrements ont aussi été réalisés à partir des témoignages du livre Femmes

Déclaration d'Humanité

La spirale de l'enfer

Le Vendredi - Mon fils

Dédramatisez !

Message pour toi...


Mon fils,

Ta naissance a été un des plus beaux jours de ma vie. Mais malgré toute la joie, l’amour et l’émerveillement que j’ai ressenti lorsque l’on t’a déposé sur mon ventre, je dois te dire que les heures qui ont précédé ta venue au monde ont été interminables.

La veille de ta naissance, je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. J’étais prise de douleurs dans le ventre, comme des coups de poignards. J’en ai parlé à ton papa qui était pris par ses jeux vidéo ; pour lui ce n’était pas le moment de ta venue.

Ne sachant pas ce qu’il se passait en moi, j’ai passé la nuit sans dormir avec mes angoisses, mes douleurs lancinantes et ma solitude. Ton père, lui, alla se coucher à quatre heure du matin, sans attention à mon égard ni inquiétude.

Au petit matin, sentant que quelque chose n’était vraiment pas normal, je l’ai réveillé pour lui dire que j’allais à la clinique, et il referma l’œil qu’il avait péniblement ouvert et se rendormit. A ce moment, mon cœur s’est serré très fort et c’est ton frère du haut de ses dix ans qui me serra avec tout son amour.

Nous sommes donc partis à la clinique où nous avons été reçus au service de la maternité. La sage-femme m’a annoncé que je faisais une pré-éclampsie et que nous risquions tous les deux de mourir. La seule façon de te sauver était que tu viennes au monde.

J’étais épuisée, transie de douleurs mais j’ai tout fait pour que tu viennes vite. J’ai attendu un peu de soutien de ton papa mais il était sorti. Quant il est revenu, on t’avait déjà déposé sur mon ventre. A ce moment précis, quand je t’ai senti sur moi, j’ai fondu en larmes. J’oubliais tout, ma douleur, mes inquiétudes et le fait que je risquais encore de mourir. Alors j’ai tout fait pour que tu viennes vite. La joie et le bonheur de te voir, de t’entendre, de te sentir bouger sur moi ont tout effacé. Ca a été un instant magique.

C’est bien plus tard, quand je me suis retrouvée seule dans mon lit que je me suis rendue compte à quel point j’avais été seule face à mes angoisses. Je n’ai reçu aucune marque d’attention, de tendresse ou de réconfort de la part de ton père. J’ai compris ce jour-là à quel point il se moquait de moi.

Mais j’étais heureuse que ton papa soit content de te serrer dans ses bras et en même temps tellement blessée et meurtrie de voir qu’il ne s’inquiétait pas de moi, oubliant totalement que je risquais toujours de mourir.

Malgré tous ces évènements, mon fils, je voulais que tu saches que ton papa a été heureux de te prendre dans ses bras. Et moi, j’étais heureuse et fière de t’avoir donné la vie.

Tu as été béni des Dieux. Tu es mon miracle, celui de ma vie, protégé par les anges à jamais.

Je t’aime mon fils.

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La spirale de l’enfer

 

Dévalorisation, manque de confiance en soi. Une souffrance telle qu’il vous est impossible de vous exprimer comme vous le souhaitez.

Des questions, beaucoup de questions dont on croit trouver les réponses mais qui deviennent très vite floues car un phénomène d’ivresse s’installe : le DOUTE. On ne sait plus, et là, vient la CULPABILITE.

Tout est flou, on voit noir, on ne croit plus en rien, plus en soi, on se sent moins que rien et la seule chose qui pourrait stopper cette souffrance c’est qu’on la voit et qu’on comprenne l’effet ravageur et dévastateur qu’elle puisse avoir sur nous. Mais l’incompréhension règne toujours, on ne croit pas en nous. La crise passée, on se raisonne, on prend sur soi et on y croit un jour, deux jours, trois jours et on replonge, prise au piège dans cette spirale infernale qui guide nos pensées au suicide.

Vient la remise en question, un tourbillon de questions qui finit par vous faire tourner la tête et là on se dit que vraiment il y a un réel problème psychologique : « Je suis folle ». On est seule à croire en nous, seule à rester persuadée que l’on vaut mieux que ça.

Trop faible pour rester convaincue, écrasée par ce poids pesant des tonnes et des tonnes, on baisse les bras et le cercle infernal continue.

Et là j’ai trouvé la volonté, la persévérance et la ténacité pour m’en sortir avec l’aide de gens faisant preuve d’un humanisme que je n’ai malheureusement jamais trouvé chez mes proches. Des gens qui ont su m’écouter, me comprendre et qui ont su m’accompagner tout au long de ma reconstruction.

Il faut y croire et s’en convaincre car des gens compétents sont là pour nous les femmes en complète détresse psychologique.

Croyez-y, un accompagnement vous attend.

Faites-vous confiance. On peut réellement sortir de cette spirale de l’enfer. Accepter de vous livrer, de croire en vous et de vous laisser guider, des gens sont là pour vous.

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Tous les Hommes naissent libres et égaux en droits.

Quelle belle déclaration, mais me semble-t-il valable surtout pour les hommes.

Libre à la naissance, je pense l’avoir été ; quant à mes droits, on me les a volés. Ma liberté a été sournoisement prise, arrachée petit à petit, chaque jour, toujours un peu plus par l’homme que j’aimais.

Il ne m’a pas enfermée ni empêchée de sortir. Non, il m’a enlevé ma liberté, ma spontanéité, ma joie de vivre, m’humiliant et me rabaissant à chaque mot que je prononçais, à chaque mouvement que je faisais. Il m’a enfermée psychologiquement au point de ne plus pouvoir prendre de décisions seule sans crainte de provoquer un conflit, sans me triturer l’esprit en me demandant ce qu’il allait dire ou faire.

Il m’a pris ma liberté comme un cancer vous prend par surprise et petit à petit vous enlève le souffle de vie qui vous reste dans les veines, engendrant des douleurs de plus en plus vives. Il m’a rendu peureuse au point d’être tétanisée au son de sa voix, à ne plus oser quoi que ce soit de peur qu’il ne s’en prenne aux enfants, au point de prier ou de croiser les doigts lorsque mon bébé pleurait, de peur de sa réaction.

La peur. La peur a été mon seul sentiment durant ces années. M’emprisonnant toujours plus, il trouvait des moyens de pression sur moi, sur les enfants. Mais comment appeler un être pouvant menacer et frapper des enfants, s’en servir pour vous mettre à sa merci ? Je n’ai pas de nom. Il est vrai que je l’ai aimé mais si vous saviez à quel point je m’en veux d’avoir été aussi naïve et combien je m’en voudrais encore longtemps de n’avoir pas vu clair en lui, de n’être pas partie avant, de ne pas avoir pu protéger mieux mes enfants.

Mais contrairement à un cancer que l’on affronte de face, lui, je ne l’ai combattu qu’en silence et pour nous protéger, je suis partie en secret, car l’affrontement aurait été trop violent pour nous.

Mais ce poison, je l’ai quand même sorti de mes veines, il reste gravé dans mon esprit, mais j’ai retrouvé ma liberté. A quel prix ! Mais je l’ai retrouvée et mon cancer je vous le dis je l’ai tué avant qu’il ne me tue.


Tous les hommes naissent libres et égaux en droits et aujourd’hui je vous le dis toutes les femmes naissent et demeurent libres et égales en droits.

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Un voyage en Algérie

Un soir d’été 2004, mon mari est rentré à la maison en disant : « On part en vacances en Algérie ! » Quelle belle surprise pour moi qui n’avais pas vu ma famille depuis quatre ans. Dans ma tête, je me suis dit que la belle vie commençait enfin : après des mois de souffrance, j’avais un peu d’espoir.

Quelques jours après, il est allé au consulat, tout seul ; il a mis mes filles sur mon passeport, sans ma présence car pour la loi algérienne, c’est l’homme qui a les droits sur les enfants et nous les mères on passe à chaque fois pour des débiles. La femme algérienne n’a aucun droit sur ses enfants, je trouve ça injuste et triste.

Plus tard, il m’a dit quelque chose qui a commencé à me faire douter : « demain, je vais partir avec ma maman en Algérie, sans vous, car il n’y a plus de places dans l’avion. Vous partirez la semaine prochaine ». J’ai trouvé ça bizarre, parce qu’avant, on voyageait toujours ensemble. Il est donc parti avec ses parents et je suis restée seule avec mes filles. Il m’a appelé au moins cent fois avant le départ pour que je ne dise rien à ma famille, qu’on allait faire une surprise pour tout le monde. La veille du départ, il m’a dit que son frère viendrait à trois heures du matin pour m’emmener avec les filles.

A 3h30, j’ai descendu nos bagages en bas de la tour. Les filles étaient en pyjama. Son frère est venu nous prendre à 3h45, direction Marseille. Sur la route, les filles chantaient, mon beau frère rigolait et moi, dans ma tête il y avait tant de questions sans réponse. On a fini par arriver à Marseille et les filles étaient toujours en pyjama. Quelques minutes après, mon beau frère a fait la bise aux filles et il est parti. Une heure après, on est monté avec les filles dans l’avion. Ca a été un moment de joie pour elles.

A l’arrivée en Algérie, à la sortie de l’aéroport, j’ai retrouvé mon mari qui m’a demandé de lui donner mon passeport pour rajouter des jours pour le séjour. Mais j’ai refusé. Mon cœur a commencé à battre très fort. Là j’ai compris ce qu’il se passait. Mon mari m’avait tendu un piège pour me coincer en Algérie. C’est pour ça qu’il m’avait mis mes filles sur mon passeport pour effacer les preuves que les petites ont été en Algérie. Il avait prévu de me prendre mes papiers pour les déchirer. Alors je n’ai pas fait attention, ils se sont rapprochés de moi pour prendre mes papiers. A ce moment-là, j’ai remarqué un chauffeur de taxi qui avait l’air bien. Je lui ai parlé en Kabyle car mon mari ne parle que l’arabe : « sauve moi, ma belle famille veut me coincer en Algérie ». Il s’est approché de moi, a ouvert les portières et a dit à ma belle famille « personne ne la touche ! » Il était costaud !

Sur la route j’ai pleuré. Mes filles et moi, on est passé du rêve au cauchemar. Le chauffeur m’a rassuré et m’a dit que j’étais en sécurité avec lui. Il s’appelait Amar, ça veut dire joie. Il m’a accompagné jusqu’à la porte de ma famille et a refusé de prendre l’argent que je lui devais pour le trajet. Les derniers mots qu’il m’a dit ça a été de ne pas être méchant comme eux, de rester moi-même et de passer de bonnes vacances qui commençaient mal.

J’ai sonné et mon frère a ouvert la porte et ça a été une surprise pour tout le monde. Je suis rentrée sans rien dire car nous avions expliqué à mes filles qu’il ne fallait rien dire sur ce qu’il s’était passé. On est allé sur la plage où on a passé une belle soirée. Les filles en ont bien profité mais moi mon cœur était coupé en deux : mon mari avait préparé un piège avec sa famille pour se débarrasser de nous. Mon cœur était brisé en mille morceaux.

Quelques jours après, le matin, quelqu’un a frappé à la porte. Et là, deuxième surprise : un huissier de justice a demandé à me voir pour que je signe la demande de divorce que ma belle-mère m’avait envoyée. Là j’ai compris que ce n’était pas avec mon mari que je m’étais mariée mais avec elle ! C’est à ce moment que j’ai décidé de ne plus rester la femme de cet homme ; il m’a fait honte devant ma famille et mes proches. Quel amour ! J’étais décidée d’aller jusqu’au bout du divorce. Je suis rentrée en France pour faire les démarches.

Quel voyage… Malgré tout ça, ce voyage m’a ouvert les yeux sur la vraie nature de mon mari. L’amour rend aveugle…C’est vrai.


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